[l'Arc d'Eros] Chapitre 1
Oui, je sais, certains d'entre vous l'on lu. En entier. Mais livrer ici le premier chapitre, c'est pour dire merci aussi à un jeune homme charmant que j'ai croisé ce matin, et dans des circonstances très très loin de ce genre de choses ;)
Je vaquais à mes occupations, comme de juste, pour un samedi (je somnolais donc devant mon pc cherchant des blogs intéressants et percutants, chose rarissime, vous en conviendrez, tandis que mes enfants se délectaient des tortues ninja et chantaient à tue-tête la chanson du générique…)(ce que je préfère aux Télétubbies, je l’avoue sans fausse honte…)(on chantait bien l’île aux enfants nous…)(je commencerai à m’inquiéter lorsque ma fille se prendra pour une tortue géante et que son frère s’imaginera en rat démesuré)(ou l’inverse)(bref)
Tout à coup, le temps se figea… un silence complet régnant dans ma maison ce qui en soi est déjà assez flippant quand on sait que ça n’arrive que lorsque j’envoie mes schtroumpfs chez leurs grand-parents ou ailleurs … Interloquée, je levai les yeux de mon écran et regardai par la fenêtre… rien ne bougeait dehors… naturellement mon regard se porta sur l’horloge… et je m’aperçus que la trotteuse n’avançait plus… il était 10h13 et 27 secondes…
Une voix douce me fit sursauter, juste derrière moi :
« Ma Dame, vous souhaitiez me voir ? »
Mon esprit rationnel et cartésien en prit un sacré coup… Lentement, je me retournai pour faire face à un éphèbe frais émoulu de chez Grec and Co… une beauté à vous couper le souffle (que j’ai eu du mal à reprendre d’ailleurs), les cheveux noirs, un sourire narquois au coin de ses lèvres fines, le regard sombre, accrocheur et accrochant, des mains à faire pâlir un pianiste, un corps manifestement délié et dévoué aux plaisirs sous toutes ses formes…
Mon premier moment de stupeur passé, qui a duré sans doute quelques secondes (mais dans la mesure où le temps était figé, ça a tout aussi bien pu être une éternité), je fermai la bouche et essuyai la bave qui menaçait de couler le long de mon menton et me redonnai rapidement une contenance en allumant une cigarette…
« Ma Dame, vous souhaitiez me voir ? répéta-t-il, en prenant place le canapé, en homme qui a l’habitude qu’on ne lui refuse rien.
- cela dépend de qui vous êtes, parvins-je enfin à articuler
- mais voyons, depuis plusieurs années, vous dites à qui veut l’entendre que vous aimeriez me casser les bras et me brûler les ailes… qui voulez-vous donc que je sois…
- une chimère ? , marmonnai-je en essayant encore de croire que j’étais victime d’une hallucination passagère qui me mènerait tout droit en cure de repos.
- essayez encore, me sourit-il, dévoilant une dentition impeccable.
- Eros, j’ai très bien compris qui vous êtes, finis-je par laisser tomber.
- Vous gagnez un baiser, annonça-t-il en se levant.
- Tout beau !!!, protestai-je en reculant (crédible ou pas on s’en fout, c’est MON histoire) je ne suis pas celle que vous croyez… et en effet, j’ai deux ou trois choses à vous dire pour que vous me fichiez la paix une fois pour toutes… »
Sans se départir de son sourire, il se rassit mais je pus lire dans ses yeux une interrogation surprise… sans doute n’avait-il pas l’habitude qu’on le repousse sans autre forme de procès…
« Je vous écoute, j’ai tout mon temps », fit-il en vissant son regard au mien et en reprenant place...
Aie, sur ce terrain-là, j’ai beau être d’une force certaine, me trouver face au Maître en la matière avait de quoi me décontenancer, surtout lorsqu’on ne croit pas vraiment en son existence…
Je détachai donc mes yeux des siens, au prix je l’avoue d’un effort quasi surhumain, et m’approchai du bar :
« Je vous offre quelque chose à boire ?
- un peu de Nectar serait le bienvenu… »
Ben voyons… du Nectar… il se croyait encore sur l’Olympe…
« Désolée, je vous rappelle que sur Terre, le Nectar n’est plus en vente libre…, dis-je sarcastique
- Pardonnez-moi, l’habitude … je prendrai ce que vous vous servirez », répondit-il sur un ton d’excuse.
Je servis donc deux verres de Baileys, et lui en tendis un avant de m’asseoir en face de lui.
« Puisque vous parlez d’habitude, nous allons donc commencer par là, dis-je.
- Fort bien, cela me convient…
- Tout d’abord, expliquez-moi un peu à quoi ça rime de tirer des flèches dans tous les sens depuis des millénaires, et de ne jamais prendre soin de viser ou de vous interroger sur le fait que vos victimes ont déjà eu affaire à vos « bons » services ?, demandai-je aimablement, tout en essayant de me rappeler ce que j’avais bien pu faire de mon arsenic…avant de me souvenir que je n’en avais jamais acheté …
- Si je comprends bien le sens de votre question, vous voulez savoir ce qui est seul connu des Dieux ?
- La vérité, c’est tout ce que je demande en premier lieu…
- Si la Mort venait vous rendre visite, lui poseriez-vous la question ?
- Je doute fort que la Mort prenne le temps de m’entendre…et le sujet n’est pas là…
- Que vous croyez…. », sourit-il encore avant de lever son verre en ma direction et de le porter à ses lèvres.
J’avalais posément une gorgée de Baileys en soutenant cette fois son regard. J’avais repris assez de forces pour jouer sur le même terrain que lui, dussè-je y laisser des plumes que je n’avais pas…
Un long moment de silence s’installa, qu’il rompit le premier :
« Ma Chère, vous me semblez singulièrement muette pour quelqu’un qui, dans ses mots, donnait la part belle à la vindicte et à la provocation…Comment, je vous donne l’occasion d’une explication et vous ne savez plus quoi me dire ?? », lança-t-il, avec une fatuité qui mit un terme à son charisme hors norme…
Je repris enfin réellement le pouvoir de mes sens et de mon esprit :
« Merci de vous montrer tel que vous êtes… nous allons faire une chose…
- Ah oui ? laquelle ? », s’enquit-il, un air de gourmandise presque vulgaire défigurant ses traits .
Je pris tout mon temps pour répondre, croisant mes jambes nues devant son air décidément trop suffisant de celui à qui on ne se refuse jamais :
« Repassez demain, j’aurais préparé mon cahier de doléances…vous pouvez disposer »
Je crus qu’il allait s’étrangler avec sa dernière gorgée…Il se leva comme si on l’avait piqué et me lança un regard furieux :
« Je vois que vous ne savez pas saisir l’instant présent, vous me décevez… mais je reviendrai donc demain…ne serait-ce que pour vous montrer ce que vous manquez… »
Lorsque je repris conscience, il était 10h13 et 27 secondes, j’étais en train d’écrire un sujet sur le 14 Février et j’avoue que rêver d’un type aussi beau que trop conscient de l’être, et donc particulièrement imbu de lui-même (plus que moi, c’est un exploit) m’a laissé un goût d’inachevé…
Demain est un autre jour…
Ledit lendemain arriva...
… Et puis la trotteuse de la pendule s’immobilisa… A 10 heures13 et 27 secondes… ce 15 février.
Comme la veille, elle s’immobilisa exactement à la même heure !
J'étais seule à cette heure, absorbée dans mes pensées lorsque…
Derrière moi, une voix très proche murmura :
« Ma Dame, vous ne souhaitiez pas vraiment me voir je sais, mais… je suis là, Ma Dame, je suis là »
Je me retournai étonnée, mon esprit, dont je n’avais jamais douté qu’il fût depuis toujours rationnel et cartésien, mon esprit une fois encore en prit un sacré coup.
Non, hier, en ce 14 Février je n’avais donc pas rêvé ! Et voilà qu’à nouveau Eros était là !
Eros « est revenu »… pensai-je
Eros est revenu… Puis amusée à l’idée que cela m'évoquait une chanson de Brel je ne pus m'empêcher de remarquer qu’il toujours aussi beau ce con !
Devant moi, campé avec assurance, il affichait un sourire satisfait ; celui que procure la satisfaction d’avoir mis en place une stratégie que l’on s’apprête à mettre en application et dont on ne doute pas qu’elle soit la bonne !
Pas dupe, moi qui étais à des années lumière de quelque forme de bêtise que ce soit, ne sourcillai point, restai silencieuse.
Il reprit : « Ne vous méprenez pas Ma Dame, je suis en fait très malheureux ! » puis
« Hier soir, il s’est produit ici un phénomène exceptionnel… Une situation invraisemblable… c’est, en ce qui me concerne, une grande première en quelque sorte !… Je suis très malheureux »
Avec condescendance, il ajouta alors :
« Non que j’aie été troublé, ni légèrement désappointé par votre… étrange et insolite attitude, non rien de tout cela ! Mais…»
Son attitude se raidit, devenant affecté, il fit mine de chercher en silence les mots justes pour poursuivre, à présent manifestement mal à l’aise.
« Hier, chez vous, Ma Dame, rien ne s’est passé ici comme ailleurs, comme de coutume, … jamais en d’autres circonstances les choses ne se sont déroulées de la sorte ! »
Après un long silence, que bien entendu je ne rompis pas, perdant toute superbe, il décocha soudain son aveu, tel un cri de douleur :
« J’ai oublié mon arc !!!!!!!!! »
Puis comme s’il s’adressait à lui-même, dépité, il poursuivit de manière pratiquement imperceptible :
« J’ai oublié mon arc ………... »
Perdue Eros, ta belle assurance. Perdue la soi disant magie de ton pouvoir !
Plus question comme hier, d’affirmer aujourd’hui, que j'allais tout manquer en me refusant à toi!... Plus question de m'allécher avec d’hypothétiques paradis de plaisir, ou de me promettre des élans éthérés, de folles effusions et des parfums de peau.
Que deviens-tu Eros ? Pauvre idiot… que deviens-tu ?
(Strasbourg sans ses saucisses ? Etretat sans ses falaises ? Cambrey sans ses « bêtises » ? Sarkosy sans … … la sienne !!!)
Sans ton arc tu n’es rien !
Quand on se nomme Eros, on ne peut perdre la face.
Alors très vite il se ressaisit, mais avant que d’avoir retrouvé cette belle assurance, dans une effroyable fulgurance une flèche soudain lui transperça le cœur…
Eros se meurt, vive Eros !
Très tranquillement, je reposai l’arc, « Mon arc » à présent…
Puis je m’éloignai vers d’autres destinées, sans me retourner.
Non je ne me retournai pas, ni ce jour ni depuis, … je ne me retournerai plus… jamais plus… !
C’est ainsi que l’amour devint femme !
Et l’homme ? L’homme depuis fait la guerre ! …
A quand la parité « d’amour » !...