harcèlement quand tu nous tiens...
Il était une fois une employée de la CPAM de ****.
Durant une dizaine d’années, elle allait, guillerette, tapoter sur son clavier tous les jours de la semaine, au temps passé où les semaines marquaient 39 heures. Elle pointait, se sentait à l’aise avec ses collègues et ses cadres, avec qui, toutefois, elle se gardait d’entretenir des relations autres que professionnelles. Pas de copinage, pas des restau à midi entre ses camarades de labeur et elle, juste du travail.
Tant et si bien qu’en peu de temps, au regard d’autres parcours, elle gravit ses échelons, tranquillement, sans jamais écraser quiconque sur son passage. Pour elle, le sourire était de mise, et son rôle premier était de justifier son salaire en remboursant vite et bien les assurés sociaux. Que ce soit à l’accueil ou au téléphone, sa bonne humeur résonnait et lui avait valu, à plusieurs reprises, des remarques sympathiques aussi bien de la part du personnel de l’entreprise, toutes fonctions confondues que des personnes qu’elle renseignait. Seuls quelques syndicalistes qui n’avaient de syndicalistes que le nom, la diabolisaient en clamant qu’elle était une stakanoviste qui mettait en péril la tranquillité d’esprit de ses congénères. Ce dont elle n’eut cure, continuant son petit bonhomme de chemin.
Mais comme dans tout bon conte de fées qui se respecte, il fallait bien qu’un jour, une sorcière fasse son apparition. Comme nous sommes dans un monde dit réel, la sorcière n’avait pas le nez crochu, ni une infâme verrue sur le visage, ni rien qui puisse la différencier des autres cadres avec qui notre héroïne avait l’habitude de travailler. La mauvaise fée était même une jolie femme, et faisait parfaitement illusion quant à ses capacités.
Notre employée, pas méchante pour un sou, sans doute d’une naïveté digne du petit chaperon rouge d’antan, se plia sans broncher aux règles de sa nouvelle responsable. Elle n’avait rien à cacher, permit l’ouverture de son courrier personnel, ne voulant pas créer de tension inutile bien que sur le sujet elle estimait que l’abus pointait déjà le bout de son nez. Au bout de quelques temps, elle commença à se remettre en question, en constatant que rien de ce qu’elle faisait n’avait l’heur de convenir. Elle tenta du mieux qu’elle put de suivre les directives, évita les initiatives qui lui semblaient couler de source, et… commença à dépérir. Au bout de 6 mois, elle en vint à la conclusion, grâce à l’une des seules collègues avec qui elle avait noué des liens d’affection, que le problème ne venait pas d’elle mais de sa responsable. De là, elle observa l’attitude de la Dame, pour se rendre compte qu’en effet, elle n’était que le bouc émissaire idéal d’une hystérique. Ses tiroirs furent vidés sur son bureau. On la somma de faire disparaître ses archives professionnelles qui n’avaient, semblait-il, rien à faire sur son lieu de travail, on la montrait du doigt devant tout le monde, tandis que lorsque des administrateurs faisaient état de sa compétence auprès de sa chef, cette dernière l’en informait bien à l’abri dans son bureau. On lui jetait ses dossiers sur le bureau plutôt que de les lui donner, autant de petits détails qui eurent, au long cours, raison de sa santé. Elle découvrit les joies du malaise vagal, la peur de venir travailler, les genoux qui flageolent, les sueurs froides en arrivant en vue de son lieu de travail, et surtout un psoriasis pustulaire qui mettait ses paumes en sang … Son médecin de famille, qui la connaissait depuis son enfance avait plusieurs fois tenter de la faire s’arrêter et la mettre en arrêt, ce qu’elle refusait à cause de la masse de travail à accomplir. Jusqu’au jour où, n’y tenant plus, elle accepta enfin le conseil médical. Ça faisait un an qu’elle subissait sans broncher, et son corps la rappelait à l’ordre.
Elle demanda un entretien avec le patron, et argumenta qu’elle venait travailler depuis une dizaine d’années avec le sourire, le cœur léger. Que c’était devenu un cauchemar. Il lui fut rétorqué laconiquement qu’elle avait eu de la chance pendant dix ans…
C’est à ce moment précis qu’elle comprit qu’on ne l’aiderait pas. Qu’on ne reconnaîtrait pas son souci. On la changea de service, l’envoyant travailler à plusieurs kilomètres du siège. Sans doute eut-on peur qu’elle cède à un mouvement de colère. Elle resta en arrêt deux mois complets. Elle tenta de reprendre entre les deux mois, mais constata que c’était pire. Au final, un cadre qu’elle appréciait lui exprima qu’il avait besoin d’elle dans son service. Elle ne pouvait pas rester entre ses quatre murs indéfiniment. Et puis elle se considérait comme forte, et voulait reprendre une vie normale. Elle se rendit donc dans son nouveau service, mais pour la première fois, elle choisit un temps partiel, se recentrant sur sa famille et sa fille âgée de moins de deux ans.
Le cœur n’y était plus. Elle ne parvenait pas à se débarrasser de son psoriasis, et malgré les témoignages de ses anciens clients avec qui elle était parvenue à créer un véritable climat de confiance, et qui lui avaient demandé ce qu’ils pouvaient faire pour qu’elle réintègre son ancien poste, elle se sentait mal rien que par le fait de venir travailler. C’était un malaise diffus, permanent.
Puis elle sut qu’elle était enceinte de son deuxième enfant. A ce stade, elle prit conscience qu’elle pourrait bénéficier d’un congé parental de 3 longues années. Son psoriasis disparut le lendemain même, sans laisser aucune trace, de manière spectaculaire.
Elle profita donc de ces trois années bénies. Elle dut reprendre, mais choisit à nouveau un temps partiel. Elle tint le coup pendant quelques mois, mais finit par se rendre compte que loin d’en avoir terminé avec son ancienne responsable, et du fait que rien n’avait été réglé, elle ne pouvait pas continuer. Elle demanda donc un congé sans solde, puis un congé sabbatique.
Deux ans plus tard, elle en était toujours au même point : l’impossibilité de se sentir bien, avec toujours un sentiment d’insécurité. Elle demanda à rencontrer les dirigeants, une nouvelle équipe de direction. Elle exposa les faits. On lui proposa un rupture conventionnelle de son contrat de travail. Son but n’était pas de saigner à blanc son employeur. Elle était disposée à faire des concessions, ainsi que l’engage tout type de négociation. Mais en fait de négociation, on refusa toutes ses prétentions en bloc pour finalement, l’enjoindre de reprendre à la date prévue.
En soupirant, et avec le psoriasis sur le point de reparaître, elle constata qu’on l’avait simplement menée en bateau. Une fois encore.
Pour bien montrer qu’elle ne cherchait qu’un juste dû, elle va tenter encore un chose. Si cela ne devait rien donner, elle est décidée à aller au bout des choses. Alors même qu’elle ne voulait pas en arriver à demander à la justice d’intervenir.
Mais après tout, quiconque provoque un préjudice est tenu de le réparer . Et en la matière, le délai de prescription est trentenaire. Puisque manifestement ils veulent l’obliger à mobiliser son énergie dans cette histoire, elle le fera.
Après avoir tout tenté pour que les choses se passent sans heurt…