Comment j'ai mangé, heu non, marié mon père...
« Et évite que ça ne dure que trois minutes ! Tu nous fais les choses bien quand même ! »
Ben voyons.
Pourtant, tout est prévu dans ce genre de situation et la facilité est plutôt de mon côté. J’aurais même pu prétexter plein de choses à la base, que j’avais piscine ou que le Maire étant présent, la tâche lui incombait. Enfin, un truc qui m’évitait d’avoir à officier. Finalement, une petite voix que je connaissais bien, celle de mon Ego, me fit remarquer que le cas avait quelque chose d’extraordinaire et qu’il serait super dommage de passer à côté. Ma seule inquiétude, c’était un discours à préparer. Et pour les discours, j’avoue que je ne suis pas super douée… D’un autre côté, évidemment, il est plus simple de préparer quelque chose dans un contexte familial, où l’on connaît parfaitement ceux que à qui l’on s’adresse.
Pour m’aider, je me suis donc munie d’un ouvrage disponible en Mairie, comportant des modèles de discours pour les élus, qui recouvre toutes les situations dans lesquelles le Maire ou les Adjoints sont amenés à œuvrer : retraite, baptême républicain, anniversaire, fait extraordinaire (d’ailleurs, c’est assez ironique de disposer d’un modèle de discours pour un fait exceptionnel, puisque justement, dans la mesure où il est exceptionnel, il m’aurait semblé logique qu’on ne puisse pas le prévoir…), décès, et, bien entendu, mariage. Entre autres. Dans la catégorie mariage, j’ai trouvé des exemples pour mariage ordinaire, mariage d’un collaborateur, de Madame le Maire qui marie son fils, de Monsieur le Maire qui marie sa fille… Evidemment. Mon cas n’est pas répertorié. Mon premier réflexe est donc de penser que c’est un signe pour que je ne m’y colle pas. Mon deuxième réflexe, c’est de m’auto-insulter : « Imbécile, bien sûr que tu vas le faire. Manquerait plus que tu recules juste pour quelques mots que tu aurais à prononcer. Il suffira de rajouter ton modèle à la base qui existe déjà… ».
Dont acte.
Alors, je m’y suis collée. J’ai fait un discours qui n’a pas excédé une page. Et j’y ai rajouté un texte en vers. On avait évoqué la possibilité avec le Maire de faire durer la cérémonie en faisant croire à mon père que finalement, comme je n’étais qu’Adjointe, c’était au Maire que revenait la charge de les marier, en argumentant (à tort, hein !) que les deux précédents mariages avaient été annulés etc. Au final, vu que les fiancés, surtout mon père, semblaient un peu sous pression, nous n’en avons rien fait. Et voilà ce que j’ai dit :
Les discours ne sont pas vraiment ma tasse de thé. Surtout les longs. C’est toutefois dans l’ordre des choses pour une occasion comme celle que nous vivons aujourd’hui. Pour m’aider, je me suis donc munie d’un ouvrage disponible en Mairie, comportant des modèles de discours pour les élus, qui recouvre toutes les situations dans lesquelles le Maire ou les Adjoints sont amenés à œuvrer : retraite, baptême républicain, anniversaire, fait extraordinaire (d’ailleurs, c’est assez ironique de disposer d’un modèle de discours pour un fait exceptionnel, puisque justement, dans la mesure où il est exceptionnel, il m’aurait semblé logique qu’on ne puisse pas le prévoir…), décès, et, bien entendu, mariage. Entre autres. Dans la catégorie mariage, j’ai trouvé des exemples pour mariage ordinaire, mariage d’un collaborateur, de Madame le Maire qui marie son fils, de Monsieur le Maire qui marie sa fille… Evidemment. Notre cas, celui de l’adjointe au Maire qui marie son père n’est pas répertorié. Je pourrais vous parler des origines du mariage, vous dire qu’il vient de….. Mais finalement ça ne nous apporte pas grand-chose. Ce qui nous importe maintenant, c’est que j’ai la joie particulière et originale de donner du Monsieur XXXXX à mon propre père, de la Mademoiselle XXXXX à Christine que je connais depuis plus de 15 ans, et de les vouvoyer le temps d’un rituel civil. D’un autre côté, étant donné l’originalité de notre famille, ça n’a rien d’étonnant. Non pas que j’ai l’habitude de les vouvoyer, mais depuis 16 ans, Christine fait partie intégrante de notre famille. D’abord parce qu’elle est la compagne de mon père. Ensuite parce qu’elle nous a donné un frère à mes sœurs et à moi (chez nous, la notion de ‘demi’ n’existe pas !). Enfin parce que… Ben parce que c’est elle. Tout simplement. Une jeune femme à l’intelligence aigüe, au sens de la répartie acéré (n’est-ce pas Eric ?), emprunte de philosophie, et qui donne sans compter. D’ailleurs, mon père ne pouvait pas s’éprendre d’une femme superficielle et sans discussion. En tout cas, je ne l’imagine pas.
Décidément, je suis heureuse d’être là aujourd’hui. Et d’en avoir terminé avec cette bafouille. Papa, il me reste encore quelques mots à te dire, autant pour le mariage que pour ton anniversaire :
Papa
Toutes les petites filles du monde s’exclament un jour :
« Papa, quand j’serai grande, j’me marierai avec toi ! »
Et tous les papas du monde, les yeux plein d’amour,
Répondent en souriant : « Mais non, ça ne sera pas le cas. »
Bon. Peut-être pas tous les papas du monde, c’est vrai.
Mais avec le mien, c’est comme ça que ça c’est passé.
Toutes les adolescentes du monde , un jour,
S’emportent : « Papa, franchement, t’en sais quoi ? »
Et tous les papas du monde, les yeux plein d’amour,
Répondent en soupirant : « Je suis né avant toi… »
Bon. Peut-être pas tous les papas du monde, c’est vrai.
Mais avec le mien, c’est comme ça que ça c’est passé.
Toutes les jeunes femmes du monde demandent un jour :
« Papa, tu ne m’as pas dit : tu en penses quoi ? »
Et tous les papas du monde, les yeux plein d’amour,
Répondent : « C’est toi qui dois faire ton choix, pas moi. »
Bon. Peut-être pas tous les papas du monde, c’est vrai.
Mais avec le mien, c’est comme ça que ça c’est passé.
Toutes les futures mères du monde se disent un jour :
« Il va falloir que je l’annonce à Papa. »
Et tous les papas du monde, les yeux plein d’amour,
Viennent avec du champagne fêter le doux émoi.
Bon. Peut-être pas tous les papas du monde, c’est vrai.
Mais avec le mien, c’est comme ça que ça c’est passé.
Si je ne m’écrie plus aujourd’hui
Que je vais me marier avec lui,
Je peux, fait exceptionnel,
Lui poser les questions rituelles.
Non, Papa. Moi, je ne me marie pas.
Mais si tu savais combien je suis heureuse,
Ici, et maintenant, d’officier pour toi,
C’est du plein soleil pour cette journée pluvieuse…
Grande fille, aujourd’hui, je marie mon père.
Et en plus, le jour de son anniversaire…
T’inquiète pas, va, ton cadeau t’attend à la maison,
On ne va pas te flouer même pour la meilleure des raisons !
En tout état de cause, au travers de ces vers,
Ne vois pas autre chose que ma simple manière
De te dire que tu es le meilleur des pères,
Et que je ne permettrai pas qu’on dise le contraire…
Et vous savez quoi ? Ben ça l’a fait !