L'Arc d'Eros, 2ème extrait
CHAPITRE DEUX
Pourtant ledit lendemain arriva…
… Et puis la trotteuse de la pendule d’immobilisa à 10 heures 13 minutes et 27 secondes, en ce 15 février. Comme la veille, elle s’immobilisa exactement à la même heure !
J’étais seule à cette heure, absorbée dans mes pensées, lorsque derrière moi, une voix très proche me murmura :
« Ma Dame, vous ne souhaitiez pas vraiment me voir, je sais, mais… Je suis là, Ma Dame, je suis là. »
Je me retournai étonnée. Mon esprit dont je n’avais jamais douté qu’il fut depuis toujours rationnel et cartésien, mon esprit, une fois encore en prit un sacré coup.
Non, hier, en ce 14 février, je n’avais donc pas rêvé ! Et voilà qu’à nouveau, Éros était là.
« Éros est revenu, pensai-je, Éros est revenu … »
Puis, amusée à l’idée que cela m’évoquait une chanson de Brel, je ne pus m’empêcher de remarquer qu’il était toujours aussi beau ce con.
Devant moi, campé avec assurance, il affichait un sourire satisfait : celui que procure le contentement de mettre en place une stratégie secrète et infaillible. Mais pas dupe, moi qui étais à des années-lumière de quelque forme de bêtise que ce soit, je ne sourcillai point et restai silencieuse.
Il reprit :
« Ne vous méprenez pas, Ma Dame, je suis en fait très malheureux… »
Un court instant de silence s’installa, comme s’il cherchait ses mots, avant qu’il ne continuât :
« Hier matin, il s’est produit ici un phénomène exceptionnel… Une situation invraisembla-ble… En ce qui me concerne, une vraie première, en quelque sorte… Je suis vraiment très malheureux… »
Puis il ajouta :
« Non que je n’ai été troublé ni désappointé par votre… étrange et insolite comportement, non, rien de tout cela mais… »
Son attitude se raidit. Brusquement affecté, il fit mine de chercher les termes exacts pour bredouiller à présent mal à l’aise :
« Hier, chez vous, Ma Dame, rien ne s’est passé comme ailleurs, comme de coutume… Jamais en d’autres circonstances les choses ne se sont déroulées de la sorte… »
Après un dernier long silence, que bien entendu je ne rompis pas, perdant toute sa superbe, il décocha soudain son aveu, tel un cri de douleur :
« J’ai oublié mon Arc !!!!!!!!!!! »
Et, comme une litanie qu’il se serait adressé à lui-même, il poursuivit d’une manière pratiquement imperceptible :
« J’ai oublié mon Arc… »
Une fois passé l’étonnement dû à la situation, je ne pus m’empêcher de penser (en jubilant, je vous l’accorde) :
« Perdue Éros ta belle assurance ! Perdue la soi-disant magie de ton pouvoir ! Plus question comme hier d’affirmer aujourd’hui que je vais tout manquer en me refusant à toi ! Plus question de m’allécher avec d’hypothétiques paradis de plaisir ou de me promettre des élans éthérés, de folles effusions et des parfums de peau ! Que deviens-tu Éros ? Pauvre idiot… Que deviens-tu ? Étretat sans ses falaises ? Strasbourg sans ses saucisses ? Cambrey sans ses bêtises ? Sans ton Arc, tu n’es rien !!! »
Au moment même où je fis allusion à l’Arme Divine, elle se matérialisa dans ma main, prête à l’emploi, une flèche encochée.
Mais quand on se nomme Éros, on ne peut perdre la face, alors très vite, il se ressaisit. Malheureusement une fraction de seconde trop tard. Avant que d’avoir retrouvé cette belle assurance, dans une effroyable fulgurance, cette flèche lui transperça le cœur.
Éros se meurt ! Vive Éros !
Il disparut dans une éclair bleuté.
Très tranquillement, je reposai l’Arc, ‘mon Arc’ à présent. Après des siècles de mainmise masculine sur cette magie qu’est l’Amour, j’étais tellement sûre de faire mieux. Au moins de laisser enfin aux mortels toute la liberté sur le sujet : celle de ne plus subir les aléas d’un archer à tout prendre, d’une nullité reconnue.
Aussitôt que je le reposai, il se volatilisa, mais je n’en eus cure.
L’essentiel étant qu’Éros non plus ne l’avait plus.
Pourtant ledit lendemain arriva…
… Et puis la trotteuse de la pendule d’immobilisa à 10 heures 13 minutes et 27 secondes, en ce 15 février. Comme la veille, elle s’immobilisa exactement à la même heure !
J’étais seule à cette heure, absorbée dans mes pensées, lorsque derrière moi, une voix très proche me murmura :
« Ma Dame, vous ne souhaitiez pas vraiment me voir, je sais, mais… Je suis là, Ma Dame, je suis là. »
Je me retournai étonnée. Mon esprit dont je n’avais jamais douté qu’il fut depuis toujours rationnel et cartésien, mon esprit, une fois encore en prit un sacré coup.
Non, hier, en ce 14 février, je n’avais donc pas rêvé ! Et voilà qu’à nouveau, Éros était là.
« Éros est revenu, pensai-je, Éros est revenu … »
Puis, amusée à l’idée que cela m’évoquait une chanson de Brel, je ne pus m’empêcher de remarquer qu’il était toujours aussi beau ce con.
Devant moi, campé avec assurance, il affichait un sourire satisfait : celui que procure le contentement de mettre en place une stratégie secrète et infaillible. Mais pas dupe, moi qui étais à des années-lumière de quelque forme de bêtise que ce soit, je ne sourcillai point et restai silencieuse.
Il reprit :
« Ne vous méprenez pas, Ma Dame, je suis en fait très malheureux… »
Un court instant de silence s’installa, comme s’il cherchait ses mots, avant qu’il ne continuât :
« Hier matin, il s’est produit ici un phénomène exceptionnel… Une situation invraisembla-ble… En ce qui me concerne, une vraie première, en quelque sorte… Je suis vraiment très malheureux… »
Puis il ajouta :
« Non que je n’ai été troublé ni désappointé par votre… étrange et insolite comportement, non, rien de tout cela mais… »
Son attitude se raidit. Brusquement affecté, il fit mine de chercher les termes exacts pour bredouiller à présent mal à l’aise :
« Hier, chez vous, Ma Dame, rien ne s’est passé comme ailleurs, comme de coutume… Jamais en d’autres circonstances les choses ne se sont déroulées de la sorte… »
Après un dernier long silence, que bien entendu je ne rompis pas, perdant toute sa superbe, il décocha soudain son aveu, tel un cri de douleur :
« J’ai oublié mon Arc !!!!!!!!!!! »
Et, comme une litanie qu’il se serait adressé à lui-même, il poursuivit d’une manière pratiquement imperceptible :
« J’ai oublié mon Arc… »
Une fois passé l’étonnement dû à la situation, je ne pus m’empêcher de penser (en jubilant, je vous l’accorde) :
« Perdue Éros ta belle assurance ! Perdue la soi-disant magie de ton pouvoir ! Plus question comme hier d’affirmer aujourd’hui que je vais tout manquer en me refusant à toi ! Plus question de m’allécher avec d’hypothétiques paradis de plaisir ou de me promettre des élans éthérés, de folles effusions et des parfums de peau ! Que deviens-tu Éros ? Pauvre idiot… Que deviens-tu ? Étretat sans ses falaises ? Strasbourg sans ses saucisses ? Cambrey sans ses bêtises ? Sans ton Arc, tu n’es rien !!! »
Au moment même où je fis allusion à l’Arme Divine, elle se matérialisa dans ma main, prête à l’emploi, une flèche encochée.
Mais quand on se nomme Éros, on ne peut perdre la face, alors très vite, il se ressaisit. Malheureusement une fraction de seconde trop tard. Avant que d’avoir retrouvé cette belle assurance, dans une effroyable fulgurance, cette flèche lui transperça le cœur.
Éros se meurt ! Vive Éros !
Il disparut dans une éclair bleuté.
Très tranquillement, je reposai l’Arc, ‘mon Arc’ à présent. Après des siècles de mainmise masculine sur cette magie qu’est l’Amour, j’étais tellement sûre de faire mieux. Au moins de laisser enfin aux mortels toute la liberté sur le sujet : celle de ne plus subir les aléas d’un archer à tout prendre, d’une nullité reconnue.
Aussitôt que je le reposai, il se volatilisa, mais je n’en eus cure.
L’essentiel étant qu’Éros non plus ne l’avait plus.